Le moi-espèce et l'enfant-monde Édition Grecque

Le Moi-Espèce et l’Enfant-Monde – Édition grecque

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Edition Grec - LE MOI-ESPÈCE ET L’ENFANT-MONDE LE MOI-ESPÈCE ET L’ENFANT-MONDE – Édition grecque

Je suis venue à Athènes en juin 2017 pour l’édition grecque du livre Le lien inédit. Au lieu de présenter le livre comme cela est l’usage, j’ai fait un exposé sur un thème tout autre. J’ai présenté un travail plus récent intitulé « l’Enfant-Monde et les trois paradigmes de la psychanalyse », thème qui n’avait pas été traité dans le livre fraichement édité.

C’est après avoir écouté cet exposé que Dimitris Dimopoulos m’a fait la proposition de le publier avec, éventuellement, un autre texte autour d’un sujet similaire. Ainsi, après l’avoir retravaillé, mon manuscrit de quinze pages a pris une forme plus écrite et un peu modifié par des développements et des ajouts. Je le lui ai envoyé en décembre de la même année, accompagné d’un autre petit texte plus ancien, le « Les ahuris et le concept ou le Moi-Espèce »paru en 2006 dans un ouvrage collectif de la Criée intitulé « Aux limites du sujet «  aux éditions Erès.

Pourquoi ressortir et traduire aujourd’hui un texte vieux de quinze ans ? D’abord parce qu’il y a un éditeur qui a eu envie de l’éditer. Ça n’a l’air de rien, mais ce sont des petits miracles qui rendent la vie plus légère et le chemin moins solitaire.

Je suis infiniment reconnaissante à Dimitris Dimopoulos d’avoir cet intérêt pour mon cheminement. La publication aux éditions Koukkida de ce petit texte en est la preuve. Il est publié en même temps que  « l’Enfant-Monde » écrit récemment. Ils ne parlent pas de la même chose, mais un fil les relie, un fil qui a parcouru bien plus que ces deux textes. Ce fil est la référence insistante chez moi à l’Espèce humaine comme invariant de référence pour penser ce que nous les humains avons de pire et de meilleur, par delà les frontières, les coutumes et les langues. Par delà les concepts fondamentaux de la psychanalyse.

La première fois j’y fais mention dans un texte datant de 1983, « l’Amour de l’étranger », paru en grec dans le livre  Le lien inédit (Koukkida, 2016). L’origine de cet attachement vient de la lecture du livre « L’Espèce humaine » qu’Antelme avait écrit au sortir des camps de concentration. Il y racontait comment les bourreaux voulaient ravaler les prisonniers au rang d’animal, et combien il était vital pour eux d’y résister par la conscience de leur appartenance à l’Espèce humaine. Cette identification à l’espèce pour survivre, mais aussi pour vivre, m’a paru évidente et fondamentale. Par périodes cette idée revient dans mes pensées et dans mes réflexions en tant qu’analyste. Face à cette « base » d’envol et d’atterrissage de destins singuliers, il y a les objets sophistiqués que les humains de l’aire technologique inventent pour y projeter leurs désirs et leurs angoisses. Ces deux textes s’y réfèrent chacun à sa façon avec quinze ans d’écart.

 

Le deuxième texte du livre, « l’Enfant-Monde », « raconte » une histoire et un devenir des conceptions de la psychanalyse d’un point de vue particulier, différent des autres. Il se situe à une autre distance. J’ai voulu voir le paysage de la psychanalyse« de loin » et raconter avec distance ses différents courants. Il y est question de paradigmes qui ne sont pas de vrais paradigmes, il y est question d’enfants qui ne sont pas de vrais enfants. Voir de loin permet de voir ce qui ne se voit pas de près. Qu’est ce que cette distance m’a permis de voir ? D’abord que ce qui sépare les différentes écoles est bien moins important que ce qui les réunit. Et ce qui les réunit ne vient pas du champ spécifique de l’analyse, mais de l’époque qui lui est contemporaine ; de même que ce qui fait changer l’analyse provient d’avantage du dehors, que du dedans, c’est à dire que la société prime sur les exigences propres à la discipline. Ensuite, et ceci dépend de cela, on voit la place charnière qu’occupe l’enfance, et plus particulièrement les schématisations d’enfants conceptuels qui font office de paradigme et d’axe d’écoute de l’analyste. Le ciel des idées de la psychanalyse est constellé d’enfants imaginaires. Chacun y brille cependant de son propre feu. Chacun donne son vortex à une théorie apparemment déconnectée de l’enfance. Or le fait qu’une observation d’enfant puisse être l’expression d’une problématique propre à une époque et devenir le socle de théories n’ayant apparemment rien à voir avec l’enfance, ne se voit bien que de loin.

Ce texte a une autre visée, j’essaye d’imaginer l’enfant de demain, que j’appelle l’Enfant-Monde. Pari risqué car je ne suis pas sûre d’y avoir accès par les meilleures voies. C’est aux jeunes analystes de pousser plus loin ces quelques réflexions que je propose. J’ai essayé ici de survoler un paysage qui commence à peine à émerger au regard des voyageurs sédentaires que nous sommes. Dans ces paysages qui se dessinent lentement au fur et à mesure que nous prenons de la distance par rapport à nos anciennes habitudes de pensée, nous voyons combien il est urgent de « naturaliser » de nouveaux espaces, pour en faire des territoires de vie pour tous. Et c’est ce « tous » qui pose problème : sur quel commun pouvons nous étayer nos concepts et fonder notre praxis dans un au delà de l’Œdipe et un au delà du Trauma historique?

Sur quelle expérience psychique commune incluant l’hypothèse de l’inconscient pouvons nous prendre appui pour une psychanalyse contemporaine ? L’amnésie infantile due à la naissance prématurée propre à l’espèce humaine peut dans un premier temps suffire pour accepter l’existence de processus inconscients sans avoir à rechercher des contenus refoulés improbables. Le début de chaque vie de chaque humain est frappée du sceau d’un oubli ouvert à toutes les spéculations. L’enfance commune est d’abord un commun oubli du commencement de notre vie, là où, amnésie, immaturité, refoulement et rejets se superposent dans un territoire sans nom, que certains appellent déjà l’inconscient.

 

Je remercie mon amie et collègue, Elisabeth Kouki de l’amitié qu’elle a su créer entre les différents protagonistes dans la fabrique d’un livre. Je la remercie avec tout mon cœur de sa traduction lumineuse. Sa trouvaille pour le terme « ahuris » est particulièrement inventive, je le sais, même si mon ignorance de la langue grecque ne me permet pas d’en jouir directement. Je suis sûre que cette traduction améliore grandement le texte d’origine. Telle est la magie des grands traducteurs qui font chanter les mots d’une langue à l’autre un même chant par leur choix personnel d’instruments différents.

 

R.Z.

juin 2019