Régression – Répétition

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SÉMINAIRE V.3
15 FÉVRIER 2004

RAPPEL
Je vous ai parlé un peu rapidement des trois cliniques la dernière fois. Enfin c’est ce qu’on m’a dit. Ce n’est pas grave, on aura à y revenir. La seule chose dont je voudrais qu’on se souvienne est ceci : il y a deux courants analytiques :
– l’un qui joue sur les conflits de l’intrapsychique : il s’agit d’analyser les conflits intrapsychiques, entre les pulsions et donc aussi entre les instances, le Ça, le Moi et le Surmoi, et les deux Pulsions Eros et Thanatos, ou encore Pulson de vie et Pulsion de Mort. Cette dernière, à l’origine de la compulsion de répétition, est tenue pour responsable de la résistance au changement dans l’analyse. Le courant intrapsychique, où tout est conflit à l’intérieur du Sujet, a pour concept fondamental et comme axe de l’interprétation du transfert, la répétition. Freud est bien sûr à inscrire dans cette lignée, de même que Lacan.
– L’autre courant est centré sur l’interdépendance des états et la relation d’objet. On dit qu’il a une problématique inter-psychique : tout se passe entre le sujet et l’environnement. C’est d’abord la mère et plus tard l’analyste, le plus souvent tenu pour mère. Contrairement au premier courant, le père n’y joue pas un rôle majeur. Dans ce courant, ce qui est central, c’est la notion de régression.
Ferenczi, Balint et Winnicott en sont les représentants les plus connus.
André Green parle de la lignée subjectale et de la lignée objectale.
Mitchell (1988) évoque deux modèles, celui du conflit des pulsions (lignée subjectale) et celui de l’arrêt du développement (lignée objectale).
Les inter-subjectivistes évitent la notion de répétition. Levenson, au lieu de parler de la répétition dans le transfert, ou transférentielle, préfère parler de l’ordre récursif du transfert.

ARNOLD MODELL ET LES DEUX TYPES DE REALITE
Modell, s’inspirant d’Italo Calvino, parle de deux niveaux de réalité, là où je parlerais de la distinction entre lien et transfert. Il dit ceci :

« Ce que j’ai à objecter à la théorie freudienne de la compulsion de répétition, ce n’est pas le fait qu’elle s’étaye sur des présupposés biologiques, mais que ces présupposés soient clairement caducs. »

Il pense donc qu’il faut aller chercher dans les connaissances actuelles la base des affirmations freudiennes, et vérifier si elles tiennent le coup. Il trouve que les théories de Gérald Edelmann, le « darwinisme neuronal », sont en accord avec certaines affirmations freudiennes (tel l’après-coup) mais rendent inutile la référence à la Pulsion de Mort pour expliquer la compulsion de répétition. Je vous livre ici un passage et j’espère que je suis fidèle au texte, car la traduction est de moi :

« Comme nous l’avons discuté plus haut, la théorie d’Edelman sur la mémoire affirme que la mémoire ne se constitue pas avec l’enregistrement permanent par le cerveau, qui serait isomorphe avec l’expérience passée ; au contraire la mémoire est une retranscription dynamique qui est dépendante du contexte et opère au moyen de catégories. Cette description de la mémoire est importante pour la psychanalyse parce qu’elle rend compte du fait que la répétition peut mener à des nouvelles configurations, une idée que Freud avait anticipé avec son concept de la Nachträglichkeit (après-coup). Edelmann a également souligné le fait que l’action motrice est essentielle à la perception. La répétition des catégories d’affect dans le transfert et le contre-transfert, qui est une forme d’action motrice, agit de façon synergique avec le système perceptuel, en vue de tester la sécurité de l’environnement humain. La perception stimule (ou active) la mémoire catégorielle affective (ou les catégories d’affects) qui à leur tour colorent l’expérience actuelle. »
(p.149-150 in Other Times other Realities, Harvard University Press)

Je dis tout de suite que c’est très différent de ce que disait Freud au sujet des différentes inscriptions des traces mnésiques. Il supposait une transcription d’éléments de la perception qui seraient fixés une fois pour toutes, ce qui est autre chose que leur capacité combinatoire pour faire une représentation et leur retranscription seconde. Ce qui est important chez Edelmann, c’est le fait qu’il n’y a pas isomorphisme entre perception et trace mnésique, que celle-ci n’est jamais stable et que la mémorisation d’une perception est liée à des catégorisations d’affects et à l’action motrice. Tout peut se reconfigurer, et ce qui est déterminant, ce sont les catégories d’affects.

« Le passé ne peut pas être reconstruit arbitrairement parce qu’il est enraciné dans ses expériences affectives ineffaçables. » (Modell, p.86)

Donc, la « construction du passé » trouve ses limites dans la mémoire affective.
Je n’irai pas plus loin dans ces considérations, mais je voudrais dire qu’il y a de grandes discussions à propos de la notion de répétition. Finalement, l’interaction entre passé et présent et leur influence réciproque ne peuvent pas nous laisser indifférents.
La question de la répétition est fondamentale dans les névroses, les traumas et les deuils impossibles. Mais aussi dans la difficulté de se séparer d’un symptôme, des choix amoureux répétitivement catastrophiques, de l’analyse interminable ou de la chronicité des demandes de thérapies les plus diverses. Bref, c’est un grand mal !
C’est assez tardivement cependant que cette notion fait son apparition chez Freud, après la guerre de 1914-1918 et les névroses traumatiques qui en s’en sont suivies.
Avant d’arriver à l’importance de la compulsion de répétition au travers des névroses traumatiques et du jeu de l’enfant à la bobine en 1920, pendant de longues années Freud s’est essentiellement servi de la notion de régression. Mais elle n’est en rien semblable à celle dont je vous ai parlé la dernière fois, que ce soit pour Mary Barnes ou Margaret Little. Je reviendrai d’ailleurs sur cette dernière, car nous n’avons pas encore exploré sa grande « crise », avant de faire un retour à Freud.

LA REGRESSION CHEZ FREUD : REGRESSION TOPIQUE, REFOULEMENT, FIXATION
Vous pouvez lire un chapitre consacré à la régression dans L’introduction à la Psychanalyse, conférence 22. Freud situe la régression par rapport au refoulement. Et déjà nous voyons combien nous nous éloignons de Winnicott, non pas qu’il ne sache pas faire cette distinction, mais dans tout ce courant, on ne voit pas souvent de travaux où il s’agit de lever un refoulement.
Le refoulement doit donc être séparé de la régression.
Pour Freud, la régression doit toujours être mise en relation avec une fixation à une étape d’organisation pulsionnelle et libidinale et à un premier objet investi – objet incestueux. Donc ce n’est pas un retour à la petite enfance, c’est la persistance d’un mode d’organisation pulsionnelle. C’est pourquoi Freud parle de régression topique, de même que Lacan.
Ces notions sont exclusivement valables pour les névroses de transfert, à savoir l’hystérie et la névrose obsessionnelle.
Freud insiste sur le fait que ce qui domine dans l’hystérie, c’est le refoulement. Il y a également des régressions, mais c’est secondaire. En revanche, dans la névrose obsessionnelle, la régression est essentielle. En l’occurrence, il s’agit d’une régression topique à un stade d’organisation libidinale sado-anale, où la pulsion agressive masque la pulsion érotique et sexuelle. Il y a donc « régression » de l’organisation libidinale à un stade inférieur de développement. Par contre, chez l’hystérique, il n’y a pas de régression, car l’organisation libidinale est en place, et c’est le refoulement qui opère et produit le symptôme. Le refoulement n’est pas lié au concept de la sexualité, c’est un processus strictement psychanalytique, mieux dit « topique ». La régression relève de la description.
Voilà un rappel un peu scolaire, mais il faut savoir de quoi on parle !
On voit mieux que la régression topique de Freud n’est pas la régression à la dépendance de Winnicott. L’intervention de l’analyste dans l’analyse freudienne consiste, soit à lever le refoulement chez l’hystérique, soit à déloger le sujet de la jouissance régressive de l’organisation libidinale « inférieure », de préférence par l’interprétation, mais aussi par les associations qui produisent l’Insight et par l’influence de l’analyste qui occupe la place du père et du médecin. Je rappelle ce détail, car malgré l’importance donnée par Freud à l’analyse profane, dans les moments cruciaux, il parlera toujours du médecin, et de son autorité qui doit venir en aide à la vérité de l’interprétation pour provoquer un changement. Il n’était pas frileux… de ce côté-là.
Ces distinctions et ces considérations sur la régression ne concernent que les névroses de transfert. Là-dessus Freud insiste et dit qu’il serait intéressant de voir ce qui se passe dans les névroses narcissiques, névroses qu’il n’a pas étudiées, et il insiste sur le fait que cette exploration reste à faire. Nous avons là sans doute un début de réponse quant à la différence entre les manières de voir la régression de Freud et de Winnicott. De même que celles que nous utilisons quand nous recevons certains patients aujourd’hui.
D’une part Winnicott, de même que Margaret Little, parlent d’états-limites, de borderlines. Margaret Little se considère elle-même comme un cas border-line dans son analyse avec Winnicott. Par ailleurs, nous savons qu’aujourd’hui nous avons plus de patients qui relèvent de ce type. À quoi je voudrais ajouter ceci : nous avons aussi des patients qui ont fait de longues analyses. C’est d’ailleurs le cas pour beaucoup d’analystes, c’est-à-dire nous-mêmes. Je me demande si l’on n’est pas amené à analyser ce type de « population d’analysants chroniques » ou au long cours, même avec des interruptions, comme s’il s’agissait d’états-limites. On peut y ranger même les hystériques ou les névroses obsessionnelles, qui ont derrière eux un passé analytique important, surtout  quand il s’agit d’analystes en analyse. Pourquoi ? Parce que, ou bien une analyse « classique » est suffisante et le sujet n’a plus besoin d’y revenir, ou bien il y a lieu de reprendre une ou deux, voire trois analyses. Dans ce cas, quelle que soit la structure de départ, on a affaire, non plus à une structure hystérique ou obsessionnelle, mais à des états et à des carences qui nous amènent dans les régions de la problématique narcissique. Dans un premier temps, on peut très bien avoir bénéficié d’une analyse freudienne ou lacanienne, puis se retrouver un jour dans la nécessité de faire une analyse de type inter-psychique, où l’on explore et revit des moments antérieurs, ou en tout cas une problématique qui nécessite un abord par le contre-transfert. Dans ce cas, la première analyse aura servi à désarticuler la structure de défense névrotique, et on se trouve ensuite en présence, non plus de conflits intrapsychiques, mais d’un arrêt de développement qui a besoin de tenir compte de l’environnement premier et des carences de l’amour maternel primaire. Ces cas de figure ne se trouvent pas dans la panoplie freudienne classique, pas plus que dans celle de Lacan. Ni l’un ni l’autre n’ont eu comme nous l’occasion d’analyser des personnes ayant déjà eu beaucoup d’années d’analyses derrière elles.
Il nous faut aller un peu plus loin dans l’exploration de la régression à la dépendance pour continuer à examiner le rapport de la répétition et de la régression. Il ne faut pas oublier que cette régression demande une « remontée », et que celle-ci se fait avec une sorte de réparation de l’objet premier, donc avec un processus de maturation substitutif. Ceci n’a plus rien à voir avec la régression topique freudienne. Est-ce que Winnicott interprète ? En tout cas, il n’est pas question de répétition ni de refoulement dans les analyses dont il nous parle. Pour aller un peu plus loin dans l’interrogation de ce qu’est une régression profonde, il me faut revenir au cas de Margaret Little. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas pour Winnicott de n’importe quelle régression topique, mais de la régression à la dépendance.

LA REGRESSION DE MARGARET LITTLE
Si la répétition fait appel à l’interprétation pour délier les éléments d’une représentation, la régression à la dépendance fait appel au contre-transfert, au sens où l’entend Margaret Little. Car il s’agit de la régression à la dépendance, et la façon dont l’analyste y répond est déterminante.
J’aurais tendance à aller au-delà de cette assertion et à dire que dans la régression à la dépendance, le contre-transfert précède le transfert, même s’il est induit par le patient. Je veux dire que dans ce type de transfert, qui est de toute évidence symbiotique, ce que pense l’analyste est déterminant et l’analysant va « produire » une scène qui fait sens pour l’analyste, qui à son tour, mais « en retour », va donner sens à la scène de l’analysant. Le patient va jouer quelque chose qu’il pressent être dans les cordes de l’analyste, et l’analyste va donner un sens par rapport à l’histoire singulière de ce patient. Voilà ce que dit Margaret Little au sujet de ce type de transfert : ce qui reste comme axe, c’est la racine affective.

« C’est un moyen qui permet d’explorer les secteurs où prédominent les angoisses psychotiques, de mettre au jour les expériences précoces, de reconnaître la présence d’idées délirantes sous-jacentes et de les résoudre, par le biais de l’association transfert / contre-transfert dans le couple formé par l’analyste et l’analysant, et ceci aussi bien dans les phases positives que négatives. » (p. 546, in Les Etats Limites)

Elle dit plus loin ceci :

« Le fait de revivre l’enfance est en effet caractéristique de la régression. »

Ceci mérite discussion. J’ai déjà dit que j’émettais des réserves à ce sujet. La régression demande avant tout une disponibilité absolue de l’analyste, une sécurité pour jouer ou rejouer toute sa folie. Qu’on l’appelle enfance ou autre chose est pour l’instant peu important. Mais c’est important pour Margaret Little et pour beaucoup d’analystes, parce que cela donne un cadre de pensée pour les choses bizarres auxquelles ils sont amenés à assister. Mais en dehors de cette condition, qui est la condition pour pouvoir s’abandonner et être en confiance absolue, je pense que la régression ne consiste pas à « revivre » l’enfance, en tout cas pas de façon certaine, et qu’il y a une grande part de construction de l’enfant que l’on est en train de devenir, ou encore des angoisses qu’on est en train d’expulser, sans que l’on puisse en dire l’origine.
L’hypothèse de Margaret Little est celle-ci : il y a chez certaines personnes, qui peuvent avoir l’apparence de personnes normales (comme c’était son cas), des poches de

« ce que l’on nomme folie ou maladie mentale. Cela peut s’exprimer dans la vie relationnelle ou dans toutes sortes de troubles sans que la personne paraisse folle pour autant. Il s’agit de l’existence d’angoisses antérieures à celle de la psychonévrose. Ces angoisses ont trait à la survie et à l’identité. »

Margaret Little poursuit : pour ceux qui y sont sujets, le son des mots peut être important, mais non leur sens, en sorte que l’interprétation verbale n’est guère efficace, et qu’il s’avère indispensable de trouver d’autres moyens d’aborder l’angoisse. Mais qui nous dit qu’il s’agit de l’enfance ? Et s’il s’agissait simplement d’une autre « aire » psychique ? Margaret Little donne une vision apocalyptique (reprenant Winnicott) des débuts de la vie.

« L’angoisse « impensable » ou « archaïque » et provoquée par des traumas contre lesquels l’individu ne dispose pas de défense organisée, si bien que s’installe un état confusionnel. […] Seul un environnement susceptible de satisfaire tous les besoins est en mesure d’assurer la survie et de favoriser l’intégration ; quand un tel environnement fait défaut, l’angoisse d’annihilation persiste, et les perturbations et des échecs entraîneront des périodes de confusion. »

Elle se contredit un peu : d’un côté elle dit que ces sujets peuvent apparaître normaux, de l’autre elle décrit quand même des états très perturbés. En tout cas, c’est un point de vue opposé à la vision structuraliste.
Il faut souligner qu’elle reprend l’idée forte de Winnicott selon laquelle la régression à la dépendance « est un processus de guérison ». C’est l’idée-force par rapport à la répétition, qui cherche aussi son ratage, mais qui en tant que telle n’est en aucun cas un processus de guérison. Pas plus que la régression topique n’est une guérison : parce que c’est une fixation et pas un processus.
Ni Freud ni Lacan n’ont favorisé de façon consciente et voulue la régression à la dépendance. Freud parce que cela ne faisait pas partie de ses théorisations, et on a vu que c’est là-dessus qu’a porté sa séparation d’avec Ferenczi.

LE PROCESSUS DE LA REGRESSION
Je reviens donc à une scène qui est ici en occurrence comme une « crise ». Je la situe au même niveau que les crises que je vous ai décrites la dernière fois : celle du roi George III décrite par Pinel et rapportée par Foucault, celle de Mary Barnes. Pour Margaret Little, je n’ai fait que citer, sans vous la raconter, la crise elle-même.
Je récapitule ce qui a précédé cette crise. Elle avait déjà fait une analyse où elle avait éprouvé de la terreur. Quand elle commence son analyse avec Donald Winnicott, ça recommence. Elle dit :

« La première séance produisit une répétition de la terreur. J’étais couchée, roulée en boule, complètement cachée sous la couverture, incapable de faire un mouvement ou de dire un mot. Donald Winnicott garda le silence et se contenta de dire à la fin : « Je ne « sais » pas, mais j’ai l’impression que, pour une raison que j’ignore, vous me tenez à l’écart. » »

Le fait qu’il reconnaisse son ignorance la soulage.
Elle a ensuite des séances où elle est désespérée, elle veut se jeter par la fenêtre, envisage de jeter tous les livres du bureau par la fenêtre, et s’attaque finalement à un grand vase de lilas blancs qui se trouve dans le bureau de Winnicott. Il quitte précipitamment la pièce et la laisse seule, puis au bout d’un moment il revient, la trouve en train de ramasser les morceaux. À la séance suivante, elle trouve le vase remplacé par une réplique exacte contenant les mêmes fleurs. Winnicott ne mentionne pas ce qui s’est passé, il maintient l’environnement intact. Il ne fait pas jouer le Principe de Réalité.

LA TRANSE OU LA CRISE
Quelques semaines après, survient la séance que je voudrais commenter. Voilà le récit de Margaret Little :

« Je fus saisie de spasmes de terreur. À plusieurs reprises, je sentis la tension monter dans tout mon corps, atteindre son acmé et tomber pour revenir encore quelques secondes plus tard. Je lui attrapais les mains et m’y accrochais jusqu’à la fin des spasmes. A la fin, il dit qu’il pensait que j’avais revécu ma naissance : pendant quelques minutes, il me tint la tête, disant que juste après sa naissance un bébé pouvait avoir mal à la tête, la sentir lourde un moment. Tout semblait concorder car il s’agissait bien de la naissance d’une relation déclenchée par mon mouvement spontané et le fait qu’il l’avait accepté. Je n’eus jamais de tels spasmes et une telle peur. »

Là, il me faut faire quelques commentaires :
1) D’abord je trouve géniale l’idée de Winnicott d’avoir dit que c’était une naissance. Je trouve seulement dommage que beaucoup de lecteurs pensent qu’il s’agissait réellement de la reviviscence de la naissance naturelle de Margaret Little. Winnicott a donné un sens, au travers de cette métaphore, à une crise qui serait autrement restée insensée et prête à revenir. Margaret Little ne s’y trompe pas, elle ne le prend pas comme une reviviscence de sa naissance puisqu’elle dit que c’est « la naissance d’une relation ». Elle ne dit pas qu’elle a revécu sa naissance !
2) Par ailleurs, on peut gloser sur les spasmes… En tout cas je pense qu’il s’agit d’une transe. Elle évoque évidemment les manifestations hystériques des malades de la Salpêtrièrie et d’autres patientes de Freud. Freud aurait sans doute été intéressé par la « tension ». Celle-ci est pour lui le signe d’un besoin de « décharge » libidinale et sexuelle. Or Winnicott la ramène à quelque chose de non génital. En quelque sorte, il désexualise la scène ! On peut dire à l’inverse que Freud sexualisait excessivement des scènes. Les deux manières de faire peuvent être vues comme des versions différentes d’un même affect fondamental où ce qui joue, c’est la violence de l’affect, le quantum d’affects. Ce sont des scènes de transe qui évacuent non seulement une tension, mais une violence, violence que j’appelle la « cruauté essentielle », et dont je parlerai à la fin de cet exposé. Ces manifestations, crises ou transes, sont en tant que telles, thérapeutiques, à la condition d’être vécues dans un cadre qui leur donne un sens recevable par autrui. Les transes de possession ou les transes chamaniques se déroulent dans un dispositif de rituels et un cadre religieux, elles sont thérapeutiques. Notre culture (sauf à singer un ailleurs importé) offre ce qu’elle a. En l’occurrence, la psychanalyse et ses concepts, qui sont une sorte de sub-culture : c’est le cadre de soins psychothérapeutiques. Ce cadre donne un sens admis par les deux partenaires et permet non seulement la lecture de la crise, mais il lui assigne aussi une limite par l’interprétation que l’on donne à ces manifestations. C’est pourquoi je dis que rien ne permet de trancher entre : « Vous avez revécu votre naissance » et « Vous exprimez une jouissance sexuelle refoulée ». Certes, le recours à la métaphore de la naissance est en l’occurrence plus efficace, car plus vraisemblable pour Margaret Little et pour Winnicott. Le vraisemblable est très important, et n’importe quelle métaphore n’est pas vraisemblable dans une culture et une époque données.

Évidemment, on peut y lire une grande jouissance, la jouissance terrifiante des mystiques. Seulement, s’arrêter à cela ne soigne pas. Freud prétendait soigner en donnant aux crises un sens sexuel et œdipien parce qu’il avait quelques raisons d’y croire, surtout compte tenu de la répression sexuelle de son époque.
Winnicott, au contraire, désexualise un maximum. Pourquoi ? Parce qu’il est pédiatre, que son imaginaire est nourri des expériences précoces des enfants, et qu’il soigne avec une autre conceptualisation. Il n’aurait jamais pu donner un sens ouvertement sexuel tout en faisant du holding, et en s’approchant physiquement des patientes comme il le faisait, et encore moins jouer sur la régression à la dépendance. Car cette dernière est bien réelle, et c’est bien ça le problème. Ce que je conteste, c’est le fait de penser qu’il s’agit de revivre la naissance. On n’a pas besoin d’être un bébé pour avoir besoin de passer par la dépendance. Celle-ci ne doit donc pas être utilisée à des fins d’abus pour que l’on puisse laisser venir la « folie » privée. Or devant une telle crise, il n’était pas question de rester en simple observateur ou dans la « Versagung », la frustration freudienne. Je ne nie pas le fait que parfois cela peut pencher plus d’un côté sexuel et que d’autres fois, la composante « régressive » est dominante. Ce qui est frappant ici, c’est qu’il n’y a pas de contenus psychiques, pas de représentations. Il n’y a que des paquets d’affects et une manifestation corporelle. Est-ce que la représentation est refoulée ? Freud aurait fait appel à la représentation, Winnicott donne un sens à ce qu’il voit lui, ce qui lui permet d’intervenir de façon « active ». Une représentation sexuelle au contraire cloue l’analyste dans l’abstinence.
Chez Margaret Little, il y avait en plus un vécu de terreur. Mais quand on observe les transes des possédés, on peut y voir des tremblements et toutes sortes de manifestations de terreur aussi.

PASSAGE DU REEL AU SYMBOLIQUE
Ce qui soigne, c’est de recevoir du sens.
Or donner un sens dans ce cas n’a pas consisté à faire une interprétation à partir d’un récit, mais à partir d’une perception d’une scène donnée à voir et à sentir. L’intervention de Winnicott est une intervention analytique des plus importantes. Le sens donné à la scène est une interprétation efficace parce qu’énoncée à partir de cette place particulière qui est celle de l’analyste. Et la scène vécue et partagée devient une naissance symbolique.
Il y a un autre élément qui me paraît important. Souvenez-vous de ce que j’ai dit tout à l’heure en citant Edelmann et ses travaux sur la mémoire : pour qu’il y ait mémoire, il faut à la fois l’intervention de l’affect (d’une catégorisation de l’affect) et une action motrice. Sans cette dernière, rien ne se passe. Une simple interprétation concernant un conflit intrapsychique peut provoquer un affect, bien que souvent ça passe à côté si l’interprétation est trop intellectuelle. Le plus souvent, cet affect peut être la surprise (ce qui est recherché par les lacaniens), mais une interprétation purement verbale du conflit ne met pas en jeu une action motrice. L’intervention de Winnicott fait appel à la représentation d’une action motrice (la naissance) que son intervention active (lui tenir la tête) renforce.
La métaphore, car l’évocation de la naissance est une métaphore, est efficace dans la mesure où elle fait appel à une image mentale qui convoque une action motrice. L’analyste n’a pas forcément besoin d’agir, mais le fait de tenir la tête renforce la participation active à la scène de la naissance.
Par ailleurs, ce qui est important dans ces moments de régression à la dépendance, c’est de se sentir en sécurité. C’est ça le holding avant tout : si le patient se sent en sécurité, il peut externaliser des affects violents sans appréhension et sans se sentir jugé.
Voilà donc une crise de plus à mettre dans la série des régressions, déjà évoquée la dernière fois.
Sauf qu’ici nous sommes en présence d’un analyste qui a une théorie.
On voit quand même dans ces trois cas, ces trois crises, quelque chose comme des conduites mues par l’expression d’émotions primaires et l’abandon de toute emprise du Surmoi : la colère du roi George III et son recours aux déchets, le barbouillage avec de la merde de Mary Barnes, et la terreur de Margaret Little. Il n’y a plus de barrières de protection interne, il n’y a plus de conduite « civilisée », on assiste à une sorte de perte de contrôle. Et Winnicott en donnant l’intitulé : « Vous avez revécu votre naissance », intervient d’une façon civilisatrice.
Il ne dit pas : « Vas-y, vas-y défonce-toi, ça te fait du bien ! », comme on peut l’entendre dans certaines thérapies purement cathartiques, il convoque un acte unique et hautement symbolique dans une scène qui est à la fois jouée et vécue, avec des émotions et des affects réels. D’ailleurs Margaret Little dit que ce n’est jamais revenu, alors que les gens qui font des thérapies émotionnelles peuvent devenir des adeptes ou des accros de ce type d’expression, et y revenir plus d’une fois.

CAUCHEMAR : ACTION MOTRICE INHIBEE
TRANSE : ACTION MOTRICE AUTORISEE
Dans les trois crise évoquées, on a l’impression d’assister à un cauchemar, c’est à la fois violent et hors du contexte de la vie ordinaire.
À ceci près qu’il y a manifestation motrice là où dans le cauchemar, ou le rêve traumatique, il y a inhibition motrice. Le langage est, selon les dires de Margaret Little elle-même, inadéquat à faire évacuer le trop plein des tensions. Ce n’est qu’après qu’il y ait eu expression d’affect que la parole de Winnicott peut venir faire effet de vérité interprétative. Cette interprétation donne sens, fait limite, et civilise en l’introduisant dans une série d’événements humains et collectifs. Dire « Vous avez revécu votre naissance » signifie « Vous n’êtes pas folle, ce qui vous êtes arrivé en ma présence est parfaitement intégrable dans la série d’événements qui scandent la vie des humains. »
Il me semble que c’est en cela que des crises de cette nature retiennent notre attention. Dans le rêve et dans le cauchemar, la motricité est inhibée et seuls l’imagerie et les affects sont vécus, et ceci sans contexte civilisateur. Ce qui est important c’est que dans ces crises régressives, la motricité n’est pas inhibée. Pour le reste, c’est identique à un mauvais rêve. Je pense que les crises régressives sont justement des manifestations d’affects et de pulsions non liés.

ACTION CIVILISATRICE DE LA REVERIE MATERNELLE ET DE L’ANALYSTE
Dans le cas de ces moments de transe ou de « crises » – quand ce sont des faits individuels en relation à un thérapeute -, il faut penser à ce que nous raconte Bion : quand le bébé vient au monde, sa perception et son ressenti sont dans un état de confusion, de chaos. Quand Lacan dit que l’enfant naît dans un monde déjà régi par le symbolique, c’est très bien, mais comment ce symbolique lui parvient-il ? Seulement par le langage ? Je ne le pense pas. Il y a la pensée, voire une proto-pensée, qui précède l’acquisition du langage. Ce qui nous permet d’intégrer psychiquement ces affects et ces pulsions « sauvages », c’est ce que Bion appelle « la fonction alpha ». Les éléments de désordre, du chaos, de l’inorganisation primaire qui habitent l’infans, sont des « éléments beta ». Or c’est la « rêverie maternelle » qui permet au nourrisson de s’approprier la fonction alpha maternelle. Comment ? Par exemple, le bébé pleure, il lui arrive quelque chose, on peut dire une tension interne, la mère va parler, et essayer de proposer un sens : « Tu as mal au ventre », « Tu as faim », « Je vais te donner ton biberon », « Tu vas voir ça va aller mieux »… Elle dit tout cela avec un certain ton, avec sa musique à elle. Le nourrisson entend le son de sa voix, sa musique. C’est parce qu’elle pense quelque chose le concernant, et que ce quelque chose a un sens, qu’en le disant, sa voix introduit un ordre possible. La voix maternelle, le son de cette voix, est ce qui ordonne et apaise, comme elle peut aussi exciter et rendre chaotique ! Je ne pense pas, contrairement à Dolto, que le bébé comprend les mots. Je pense, comme Margaret Little, qu’il est sensible au son, à la chanson maternelle. Car le ton ou la musique de la mère, ou de la personne qui s’occupe de l’enfant, va donner un sens à son ressenti, à ses tensions internes. C’est ça la fonction alpha, qui tend toujours vers la production de sens.
Dans les crises dites de régression en analyse, c’est la voix de l’analyste mais aussi ce qu’il dit, qui va donner un sens et non une interprétation forcément véridique. Il faut que ça sonne juste. C’est ce ton qui va faire la différence. Or le ton est à la charnière entre l’affect et le langage. Il véhicule l’affect dans sa tension vers le langage. Il s’inscrit dans une catégorie d’affects et par là, il ordonne le chaos pulsionnel. Il organise et introduit à la valeur.
Le « lien » est le support de l’équivalent de cette fonction alpha de l’analyste. Non pas que l’analyste représente nécessairement la mère ou le père ou que sais-je encore, mais inévitablement, parce qu’il use de ce pouvoir, il donne du sens, un sens premier, par le son de sa voix. Il est en position de répéter une fonction maternelle primaire ou de la faire exister pour la première fois.
Et il sera d’autant plus efficace que le patient sera ouvert à cette intervention, soit qu’elle lui aura réellement manqué dans sa prime enfance, soit qu’il en a de nouveau besoin. Mais fondamentalement, je pense qu’il s’agit d’un manque moins « réaliste ». Car même le recours à l’imagerie maternelle n’est jamais qu’une valeur métaphorique. Je pense qu’on n’a pas besoin d’invoquer la régression pour communiquer de cette façon non langagière. Je pense même que c’est une façon de communiquer éminemment humaine, mais que nous ne savons pas bien l’utiliser parce qu’elle fait peur.
Donc, dans le cas de figure où, dans un climat de grande confiance, un patient agit quelque chose de très fort émotionnellement, l’analyste est amené à lui proposer un sens, et ceci de façon assurée.
Il faut ajouter que dans cette fonction, il est nécessaire que l’analyste puisse s’adapter aux « besoins » du patient. Ainsi, Winnicott ayant constaté que Margaret Little ne pouvait rien dire pendant la première partie de la séance, il avait quasiment doublé la durée des séances, et jusqu’à la fin de son analyse il l’a gardée une heure et demie. Sans augmenter pour autant ses honoraires ! Je dis ça pour les analystes-taxis…
Quelle que soit l’opinion qu’on a de ce type d’interventions, il ne faut pas méconnaître que Margaret Little a guéri : selon son propre témoignage, elle n’a jamais eu de rechutes.

ET SI C’ETAIT UNE REPETITION DANS LE TRANSFERT ?
Prenons maintenant l’optique freudienne. Que se passerait-t-il si on optait pour la version « hystérique » ? Margaret Little serait dans un état de répétition dans le transfert d’une jouissance sexuelle œdipienne dont le désir serait méconnu ou refoulé. Il ne faut pas oublier qu’elle avait déjà eu deux analyses auparavant ! Or rien de cela n’a été évoqué. Ses analystes, comme elle-même d’ailleurs, avaient eu par ailleurs une formation analytique classique. La réponse se trouve du côté de l’analyste, car la réponse de l’analyste – qui précède la demande – configure la demande dans l’après-coup. Si Winnicott avait entendu et retenu l’aspect uniquement sexuel et hystérique, il aurait pu être lui-même sexuellement troublé, ou du moins gêné. Il aurait donc dû réprimer un passage à l’acte transgressif et se trouver dans un état défensif, donc inefficace à faire chuter la tension. Est-ce qu’une interprétation verbale « freudienne » aurait fait l’affaire ? Certainement pas, Margaret Little le dit elle-même : dans ces « états », elle était imperméable au langage. Il ne faut pas oublier par ailleurs qu’elle éprouvait une grande terreur.
On peut gloser à l’infini sur le sens véritable de cette scène. Il n’y a pas de certitudes, ni du côté de la naissance – car il n’est pas sûr qu’un bébé à la naissance soit à ce point terrorisé -, ni dans le sens d’une jouissance sexuelle. Il n’est pas non plus certain que la grande jouissance hystérique s’accompagne de tremblement de peur. On ne peut pas trancher. Il s’agissait peut-être encore d’autre chose, d’une pure expression de quantités d’affects non liés. Dans ce cas, il ne se serait pas agi pas d’utiliser l’analyse dans sa fonction de dé-liaison, mais au contraire de proposer une liaison, quitte à ce que celle-ci soit une fiction.

PARADOXES ET CERTITUDES DE L’ANALYSTE
En la ramenant à un sens archaïque, Winnicott donne un sens et permet à la fois à la tension de tomber, tout en s’autorisant à la toucher et à lui prodiguer des soins. J’ai déjà vu ce genre de tentatives dégénérer en acte sexuel parce que l’analyste n’a pas résisté à l’excitation sexuelle. Dans ces cas, les analystes hommes peuvent d’autant moins résister que la dame patiente est jeune et jolie ! Il faut avoir la croyance ferme de Winnicott en la mission de soins maternels primaires ! Il faut donc que l’analyste soit lui-même convaincu pour que ça marche. Car si ça marche, c’est parce que l’analyste, dans son contre-transfert, est en harmonie avec le sens qu’il donne à la scène.
Le troisième point qu’il me paraît important d’évoquer, c’est qu’il propose un sens à une scène où il a un rôle à jouer. Où ils sont deux. C’est tout à fait autre chose que de pointer un scénario imaginaire de jouissance solitaire, ou interprété comme destiné à l’analyste, en tant que figure de père par exemple. La patiente reste seule puisqu’on lui interprète une illusion, et l’analyste se dérobe à être interpellé dans sa présence réelle. Dire « Vous avez revécu votre naissance » et lui tenir la tête, ça ne signifie pas « Je suis votre mère en mieux », cela veut dire « On peut y arriver avec ce qu’on est, ici et maintenant ».
Deux conditions à cela : ne pas se laisser embarquer par l’érotisation de nos corps d’adultes sexués, et être capable de vivre une expérience paradoxale. Car on est dans une situation paradoxale, comme du reste dans le transfert en général. Freud le disait déjà : l’amour de transfert est un amour véritable, et en même temps, c’est un artefact. Par ailleurs, le transfert est le moteur d’une analyse, et en même temps le transfert est ce qui s’oppose à la remémoration. J’avais, il y a quelque temps déjà, parlé du transfert comme d’un amour paradoxal.
Dans le paradoxe, il s’agit donc de deux choses opposées qui existent en même temps. Le même paradoxe existe concernant l’objet transitionnel, il est à la fois trouvé et créé. De la même façon encore, Winnicott dit à Margaret Little : « C’est une naissance qui indique un temps révolu » et « C’est une naissance actuelle qui se passe entre vous et moi, d’ailleurs vous êtes un bébé qui a besoin qu’on lui tienne la tête. Et c’est à vous adulte que je dis cela, car le bébé ne comprendrait pas. »
Il y a coexistence de deux réalités, comme le dit A. Modell, mais on peut dire aussi que ce type d’intervention fonctionne d’autant mieux que le patient est capable de vivre des situations paradoxales. C’est la limite de ce type d’intervention.
On peut peut-être dire ici que c’est en cela que réside la différence entre les états-limites et les folies psychotiques, dans lesquelles le patient ne peut pas entendre l’offre paradoxale. Il se vit à un seul niveau.

ACTUALISATION SYMBOLIQUE ET MANQUE FONDAMENTAL
C’est pourquoi Modell propose d’appeler la régression à la dépendance une « actualisation symbolique ». Il s’est inspiré de l’analyste suisse Séchéhaye, analyste de psychotiques qui parlait de « réalisation symbolique » et du « don d’amour ». Elle avait par exemple constaté que quand elle donnait du vrai lait à ses patients, ils le refusaient, tandis qu’ils étaient très contents quand elle prenait un ballon et qu’elle lui conférait le sens d’un sein qui donnait du lait. Le cadeau d’amour symbolise le lait et le sein. Le sein et le lait sont créés par le patient à partir d’une réalisation symbolique. Ce qui est important, c’est que le patient utilise sa propre création de sens. De la re-création de sens à partir d’une scène régressive, Modell préfère donc dire qu’il s’agit d’une actualisation symbolique plus que d’une reviviscence. Ce que je préfère aussi.

RELATION ENTRE REPETITION ET REGRESSION
L’actualisation symbolique permet donc de concilier la notion d’après-coup, le sens « injecté » qui est actuel et symbolique, avec un événement psychique ou un affect d’un autre âge qui surgit dans la relation de dépendance. Cela évite la croyance au naturalisme des scènes produites dans le ici et maintenant. Elles sont produites, et non pas reproduites. Et c’est parce qu’elles sont produites, créées (une crise est aussi une création) par l’analysant dans l’actuel, qu’elles peuvent avoir une efficacité thérapeutique et agir sur le passé. Ce qui importe dans ces moments « actifs », c’est leur action sur le passé. Le présent est introjecté comme une scène du passé.
En le considérant de cette façon, comme une création après-coup, il est possible d’établir un pont entre la répétition freudienne (non pas la régression topique) et l’usage possible des productions à partir de la régression à la dépendance.
Cela veut dire que l’analysant construit, dans le scénario produit dans le cadre d’une régression, non pas une réalité passée, ou l’enfant qu’il a été, mais une réalité actuelle de l’enfant, qu’il produit pour l’analyste. Il s’agit d’une réalité symbolique, qu’il a construite pour et avec l’analyste, selon son désir et selon la grille d’écoute supposée de son analyste, tout en éprouvant des sentiments véritables. Et c’est ça qui est le plus important.
La « scène » est donc imaginaire, elle est une mise en scène du Moi, l’affect est réel, et la valeur de la scène est symbolique.