L’autochtone

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

>> Voir le texte en version Espagnole

Année 1999

Qui est l’autochtone ? Cette notion implique celle de l’étranger, son hétérogène.

L’étranger est celui qui arrive, fait bord, rappelle les frontières… L’autochtone est du sol, il est du lieu, il peut accueillir et dire « ici » comme de sa maison.

Ici, toujours déjà-là, et familier, héberge le « nous » des autochtones. Passage du territoire-terre à ses occupants. Pluriel implicite dans l’énoncé singulier. L’ici de l’asile ne peut se soutenir d’un seul. Cependant c’est un par un que chaque étranger affronte l’autochtone, le territoire sensé lui donner asile, même s’il arrive en groupe. Il n’y a pas de symétrie bien qu’ils se définissent l’un par l’autre. Le « nous » qui porte l’autochtone, le natif, ou l’indigène, accueille ou non le singulier de l’étranger, d’un ailleurs qui ne se nomme pas. A cela s’ajoute broutilles l’épaisseur de l’histoire : dominations, colonisations, occupations et guerres présentes ou passées, accentuant l’inégale rencontre.
Curieux constat : pourquoi frisons-nous le comique à désigner un Français, un Allemand, un Italien, bref n’importe quel Européen, du terme d’autochtone, d’indigène ou de natif ? Ces termes semblent réservés à ceux que « nousôtres » devons civiliser, et non l’inverse. L’autochtone (et ses équivalents) désigne de préférence un primitif. D’où l’expression qui prévaut pour les ressortissants des pays riches : « les nationaux » face aux étrangers. N’est-ce pas moins choquant ainsi ? Un Français ne peut être l’autochtone ? Et cependant l’étranger sera « naturalisé »… Ne pourrait-on pas dire qu’à l’égal des nations, avec quelques différences certes, toute structure, toute institution qui fait « asile », se protège de l’étrange et du singulier qui sommeille dans les valises de l’étranger. Tendance tenace à soumettre celui qui arrive.
Que chacun balaye devant sa porte : je travaille comme analyste de ville, je parlerai donc de ma pratique « libérale ».
Dans la situation analytique, les mêmes éléments s’observent : bien que l’analyste reçoive seul le patient, ce dernier doit affronter non seulement l’individu analyste, mais implicitement le « nous » des analystes, et l’analyse comme territoire d’une pratique codée, fût-elle exercée le plus librement du monde2 .
J’aborderai donc la question de l’asile, du rapport de l’étranger à l’autochtone par ce qui m’est le plus familier, une histoire dite « clinique » d’une dame bien autochtone.

LA DAME AU CHIEN

Donner asile n’est pas toujours facile.
L’histoire qui suit m’a marquée parce qu’elle raconte sur un mode mineur bien des avatars rencontrés dans l’usage de l’asile.
Cela s’est passé il y a presque trente ans. J’étais jeune analyste et tout imprégnée par ce que je venais « d’apprendre », par ce qu’un analyste doit ou ne doit pas faire face à un analysant. Très vite, j’ai remarqué que l’analysant aussi était soumis à une naturalisation forcée, souvent à son insu.
C’était une dame d’un âge certain au-delà de la soixantaine, cheveux blancs impeccables, manteau d’astrakan, tenue de bourgeoise, manières de petite fille, voix de crécelle. Etiquetée mélancolique, elle sortait d’une clinique où elle avait été hospitalisée et d’où elle s’était enfuie. Sa capacité de fuite me semblait de bon augure. Elle se présentait de prime abord comme simple d’esprit, disait ne rien comprendre, ne rien vouloir, ne pas savoir ce qu’elle venait chercher chez moi. « On » lui avait enjoint de venir parler à quelqu’un, ultime recours, sinon c’était l’hospitalisation forcée. Elle voulait juste mourir car elle disait n’aimer personne, ni son mari ni ses enfants. Elle détestait la terre entière. Et la terre entière le lui rendait bien. Elle détestait surtout les nègres, les juifs, les arabes et les jeunes. Les jeunes plus particulièrement, ceux aux cheveux longs et qui s’embrassaient en public. Sa mère venait de mourir et elle s’accusait de ne rien ressentir. Preuve supplémentaire de son indignité.
Elle se prenait pour un chien, elle disait que parfois elle aboyait dans la rue ou croyait qu’elle aboyait , elle ne savait pas avec certitude. Ce n’était peut-être qu’un mouvement intérieur. Je ne l’ai jamais entendue aboyer. Son chien réel restait à la maison et l’attendait. « Le seul être que j’aime et qui m’aime », disait-elle. Parfois, elle s’accusait de ne même plus aimer son chien comme avant. Mari et enfants n’étaient que des liens de devoir. Elle n’avait pour eux aucune affection, mais des attaches physiques. Reich avait tort : on peut être au bord de la folie et jouir sexuellement. C’était son cas. Petite, elle n’avait pas été à l’école à cause d’une prétendue maladie héréditaire imputée à son père qui n’avait jamais été prouvée et qui lui avait valu des piqûres de vitamines et l’assignation à un repos qu’aucun symptôme ne justifiait. Elle en avait été contente, car elle n’aimait pas quitter sa mère, disait-elle. Elle avait eu comme seul compagnon de jeu, très tôt déjà, un chien. Plus tard, elle a pu, malgré son enfance recluse, faire des études universitaires grâce à son mari qu’elle avait rencontré très jeune et qui l’avait entièrement prise en charge, au point de tricher pour elle lors des épreuves en fac. Elle avait eu des enfants, avait exercé à l’ombre du mari protecteur un métier, puis soudainement étaient venus la chute, le désespoir, la perte du désir de vivre, de tout désir à l’exception du désir sexuel. Au plus fort de sa dépression, elle continuait à faire l’amour avec son mari. Un jour, je me suis rendu compte qu’elle croyait qu’il fallait avoir des relations sexuelles au même titre que manger ou dormir. Elle était persuadée qu’il fallait le faire absolument tous les jours. Ainsi de dix-sept ans à la soixantaine où elle est venue me voir, elle avait eu des relations sexuelles quotidiennes avec son mari. C’est en analyse qu’elle a fait la découverte que tout le monde ne s’exécutait pas de la sorte. L’analyse lui apporta donc une éducation sexuelle à l’envers. Son mari, vieux monstre sévère et malheureux, à la fidélité hargneuse, s’accouplait quotidiennement avec cette femme-enfant-animal, qui le faisait indubitablement beaucoup jouir. Il s’en occupait comme d’une bête, et quand elle était trop folle, il la faisait manger seule à la cuisine, comme un chien, disait-elle. Elle avait aimé ses enfants quand ils étaient bébés. Quand ils ont commencé à parler, ils lui sont devenus étrangers.

Dès le début, j’éprouvais vis-à-vis d’elle une grande difficulté : elle m‘était terriblement antipathique. A tel point que je m’étais demandé s’il n’était pas préférable que je l’envoie chez quelqu’un d’autre, plus doué que moi pour la neutralité bienveillante. Je la trouvais irritante, bête et méchante, elle m’était insupportable et je n’avais qu’une envie : qu’elle cesse de venir. Une seule chose me retenait : j’étais certaine qu’elle aurait inspiré la même aversion à tout le monde et que je n’avais donc qu’à m’accommoder de ma difficulté, de sa haine du monde et d’elle-même.
Si on n’est pas tenu d’aimer tous ses patients, comment, si un minimum de sympathie ne préside aux rencontres, faire en sorte d’être celui ou celle qui offre une présence fiable, comment faire accueil en état d’antipathie aiguë ?
On peut se réfugier derrière l’appellation de « contre-transfert négatif », à condition d’y introduire une dynamique. Ce n’est pas toujours évident, ni chose aisée. Avant chaque rendez-vous, je me surprenais â souhaiter qu’elle ne vienne pas. Elle m’affectait de manière désagréable car elle ne supportait pas que je me taise, pas plus que je parle; elle ne supportait rien de ce que je disais, tout comme j’avais du mal à la supporter elle-même. Nous étions logées à la même enseigne, sauf qu’elle venait avec une régularité d’horloge, et ne se posait jamais la question d’arrêter pour cause d’antipathie. En fait, elle s’accrochait à moi, il fallait que je me rende à cette pénible évidence.

Elle avait une autre caractéristique : avant chaque séance elle se précipitait aux toilettes, pour se soulager disait-elle. Je lui ai interdit de le faire systématiquement, en lui demandant d’en parler au moins dans la séance avant de « passer à l’acte ». C’est ainsi que j’interprétais ses passages intempestifs aux toilettes. Je pensais qu’il fallait qu’elle puisse mettre en mots son agressivité. J’étais obnubilée par mon savoir tout frais sur la haine chez le mélancolique… Un jour où, une fois de plus, elle s’était précipitée aux toilettes, avant que je n’aie le temps de la trouver dans la salle d’attente, je suis allée la chercher. Je l’ai sortie manu militari, les culottes baissées en lui disant qu’elle venait ici pour parler et non pour faire. « Mais si je ne peux pas me retenir ? Je ne vais quand même pas faire sur votre tapis ? » « Eh bien si, le seul cabinet, c’est ici. » Rétrospectivement, j’ai honte de ma violence d’alors, mais je le raconte parce que je pensais bien faire : j’étais acculée par sa désobéissance face aux exigences de l’idéologie analytique. Il fallait interdire tout acting à l’intérieur du cadre. Après coup, je me suis aperçue que j’avais agi son fantasme : je l’avais traité comme un chien en lui disant que si elle ne pouvait se retenir, elle n’avait qu’à faire comme une bête, par terre. Alors qu’elle me montrait, par l’usage répété des toilettes, que justement elle n’était pas une bête.
Au moment de mon intervention brutale, elle m’avait regardée pour la première fois, non comme une dame professionnelle de la psychanalyse, mais comme une folle. Et de fait, de nous deux c’était moi la folle, ce jour-là. Au lieu d’analyser la folie induite, la « réalisation » par moi de son fantasme, je l’avais rationalisée en nécessité du respect du cadre analytique. De toute évidence, ma sortie l’avait secouée et, moindre mal, lui avait fait entrevoir que l’analyste aussi pouvait perdre la boule.

Malgré tout de ma part, à force de patience, mais aussi de sa part, tout doucement elle avait commencé à aller mieux. Selon elle, ce mieux ne devait être imputé qu’aux médicaments de son chien. C’était un vieux chien auquel le vétérinaire avait prescrit des vitamines. Elle lui volait ses vitamines et, selon elle, ce qui était bon pour son chien était bon pour elle. Elle disait que cela lui donnait de l’énergie. J’acceptai son explication.
Quand il m’arrivait de dépasser la détestation, je me trouvais devant un vide. Elle-même se disait vide. Sauf ce chien qui l’animait. Ce non-humain la rendait un peu vivante et humaine quand elle en parlait. Mes sentiments, bien que j’en aie reconnu le caractère négatif, restaient hors parole, hors toute représentation utilisable pour la cure, hors tout accrochage possible à une idée, à une autre scène. Certes, il y avait le chien de son enfance, mais on ne pouvait pas aller au-delà. J’étais interdite de pensée. Comme en ce temps-là je n’avais à ma disposition qu’une vision très limitée de ce qu’est le transfert, je ne savais pas que l’affect et les états psychiques pouvaient être induits par le patient.
L’inattendu arriva sans crier gare. L’inattendu arriva grâce à une trouvaille d’elle.
Un jour, elle me demanda à brûle-pourpoint, en hurlant de sa voix de crécelle : « Pouvez-vous me prêter un livre de Freud, puisque c’est votre maître ? » (et moi son chien ?). Surprise, je décidais de lui donner satisfaction pour introduire quelque chose de nouveau dans ce désert dans lequel nous nous enlisions. Je lui prêtai la Psychopathologie de la Vie quotidienne. A la séance suivante, elle me dit, sans rapporter pour autant le livre : « J’ai regardé votre Freud, je ne comprends rien, je ne le lirai pas. » « Bon, eh bien rapportez-le-moi ». Elle ne le rapporta pas. Plus tard, un jour, peu après son départ, elle m’a téléphoné pour me demander si elle m’avait bien laissé le livre de Freud. Je lui dis que non, il n’en avait même pas été question. « Alors j’ai dû l’oublier aux W-C. du bistrot en face de chez vous, vous pouvez aller le chercher là-bas. » Je n’en fis rien… Elle dût s’en douter, car à la séance suivante, elle m’a rapporté un exemplaire tout neuf. Je lui demandais ce que cela voulait dire. D’une voix très différente, elle m’a répondu, dans un éclat de rire, c’était le premier « Cela veut dire “Freud aux chiottes ! » ». Puis elle ajouta d’une voix toujours aussi amusée « C’est bien ça un acte manqué ? » On a ri ensemble. J’étais éberluée. « Mais pourquoi Freud aux chiottes ? » Alors, très sérieuse, elle dit qu’elle ne voulait pas de mon « métier » parce qu’elle voulait quitter sa vie de chien et qu’elle voulait être aimée et aimer, et que cela devait se jouer « entre vous et moi », disait-elle, « entre moi et vous comme personne et pas comme une professionnelle ». Elle voulait avoir une relation vraie et non pas se confronter à quelqu’un qui fait son métier. Mais pourquoi avait-elle voulu alors que je lui prête un livre de Freud ? Parce qu’elle voulait essayer d’entrer dans mon monde, puisque moi je n’arrivais pas à entrer dans le sien, fut la réponse. Je sentis un voile se lever. Je commençais à retrouver ma respiration, mes esprits. J’admirai le mal qu’elle s’était donné pour me sortir de mon carcan. J’ai pu alors lui parler normalement et évoquer avec elle notre passé commun et difficile et les chemins bizarres qu’elle avait dû emprunter pour se faire accepter.
Quelques mois plus tard, alors qu’on se parlait plus librement, elle a eu un grave accident de voiture. Avertie par son fils, je suis allée lui rendre visite à l’hôpital. Quand je suis arrivée, elle a soulevé son drap d’un geste brusque et m’a montré son corps : « Regardez toutes ces cicatrices. Toutes ces marques du désastre ! J’espère que ça ne vous dégoûte pas. » Non, ça ne me dégoûtait pas. « C’est important de ne pas dégoûter quelqu’un. » Oui, c’est important. Quand on accepte vraiment quelqu’un, il n’y a pas de place pour le dégoût.
Après sa sortie de l’hôpital, de retour à ses séances, elle m’a demandé : « Est-ce que vous êtes venue me voir par métier ou par amitié ? » Je lui ai demandé l’impression qu’elle en avait eue. Elle m’a répondu : « Je préfère me dire que c’était par profession. » Elle a tenu à me payer pour cette visite, ce qui m’avait mise très mal à l’aise. Elle a insisté. Le soir du même jour, un coursier est venu apporter un magnifique bouquet avec un mot d’elle : « Je pense que c’était aussi par amitié » Un fond de méfiance subsistait.
L’analyse a encore duré longtemps, elle n’aboyait plus, ne se prenait plus pour un chien. A mes yeux, elle était devenue sympathique, intelligente, délicieuse. S’en est alors suivi un temps d’idylle auquel vaillamment nous avons su mettre un terme, doucement, quand elle s’est sentie prête à affronter seule le monde. Fait surprenant, alors que nous n’avions jamais reparlé des jeunes gens aux cheveux longs, maintenant elle les trouvait beaux, au point qu’elle engagea un grand chevelu pour l’assister dans son travail, au grand dam de son mari.

Les formes qui expriment le changement survenu dans une cure ne sont pas sans rapport avec l’imagerie personnelle de l’analyste, elle-même en prise consciente ou non avec l’esthétique d’une époque. Influences muettes mais efficaces : elle avait quitté les goûts de son époque pour rejoindre la mienne.
Quel que soit l’autochtone qui donne asile, quelle que soit l’hospitalité du groupe, un seul s’avance, un seul peut tendre la main, un seul offre son visage à la reconnaissance mutuelle qui fait ouverture, au nom des autres. Les autres garantissent le fait de l’asile comme lieu inviolable… Celui qui vient seul au-devant de l’étrange supporte le risque de rappeler aussi toutes les mauvaises rencontres et d’en subir les effets. L’asile offert, l’asile pris se fait sur un fond de solitude, fond commun du sensible.
Le plan du sensible est celui des corps, des sensorialités, des affects, tout autant que celui des paroles échangées. Quand on aime, c’est toujours un corps que l’on aime, ses particularités, ses défauts même. Par corps, j’entends non seulement la voix, le regard, mais aussi la peau, l’odeur, le débit des paroles, le rythme propre à quelqu’un : tout ce qui fait qu’une présence est chaque fois unique. Quand on exècre, c’est toujours un corps qui est offert à l’exécration. La sympathie nécessaire se joue sur le fond commun du sensible, qui dans cette histoire fut si difficile à trouver.
Or le fond commun est l’animalité de l’humain, par-delà les langues, les coutumes ou les singularités physiques et psychiques. La douleur, le plaisir, avoir froid, se nourrir, être à l’abri, pleurer, rire, dormir, être enfant, avoir un enfant, être vieux… et enfin parler, non pas parler à un spécialiste, mais parler « avec » un semblable : c’est toujours toute la vie qui demande asile, cette vie du sensible, qui est le lot commun des humains, de l’animalité humaine, qui se manifeste par la présence réelle. A partir de ce fond, la haine, le rejet, les répulsions peuvent et doivent trouver accueil car, inévitablement, ils refont surface, répétitions d’expériences anciennes néfastes et enfouies, peurs ancestrales, destructivité inhérente à l’espèce auxquels il faut bien faire place afin qu’elles puissent être abandonnées ou converties en d’autres énergies. D’aucuns parlent de sublimation, d’investissement, de contre-investissement, termes d’une laideur remarquable qu’il me faut garder encore pour rester reliée au grand corpus chancelant de :
Ma Chère Psychanalyse, lettre suit…

Plus la misère est grande chez l’étranger, plus l’étrange en lui-même l’accule à demander asile, plus inopportune devient toute spécialité à lui proposée.
Toute « spécialisation » dans l’offre de la présence réelle est une soustraction à l’hospitalité.
Le sensible se déploie dans un champ d’aimance Eros où l’on est en état de rencontre, où se manifeste la Pulsion de Vie. Elle va de l’un à l’autre, des uns aux autres, mais il lui faut une aire. L’analyste peut l’offrir, mais il est loin d’être le seul. Il en existe un grand nombre « au dehors », certaines aires sont plus puissantes que d’autres, d’une autre texture, il en est ainsi de la musique par exemple.
A l’inverse, il y a des aires de stase Thanatos, silence imposé, déhiscence des liens, zones mortuaires et déprivations sensorielles. Les institutions en sont les lieux privilégiés, même celles qui se proposent d’être « soignantes ». Au fur et à mesure qu’elles perdurent, leur capacité d’accueil de ce qui leur est étranger, et donc nouveau, s’amenuise, et leurs membres s’épuisent en d’interminables soins prodigués, non plus aux personnes à soigner, mais à l’institution elle-même qui doit être périodiquement réanimée.

Si le véritable asile de l’étrangeté du patient est d’abord l’ouverture d’une psyché, quelques conditions sont pour cela requises : le dispositif de l’analyse est sensé protéger analyste et analysant de l’intempestif, mais si je me protège trop je risque d’être rendue opaque par mes défenses, non seulement par mes défenses personnelles, mais aussi par celles que m’offre l’institution psychanalytique. Bien qu’elle me soit nécessaire comme limite d’une « folie-à-deux », elle représente aussi un frein. Si l’analyste offre l’hospitalité et s’emploie à maintenir ouverts les champs d’aimance, il doit en même temps lutter contre son institution et les rituels qu’elle lui a légués, à la fois nécessaires et contraires aux lois de l’hospitalité, qui l’obligent à de singulières contorsions.

D’évidence, dans la psychanalyse « en ville », quelque chose est d’emblée contraire à toutes les lois de l’hospitalité : mon asile se monnaie. Là, très vite, tout peut tourner au cauchemar.
Apres trente ans d’exercice, mon malaise persiste face à cette question. J’ai cependant fait quelque progrès: je peux aujourd’hui dire avec plus de simplicité que je vis de mon travail de psychanalyste. Mais je ne suis pas à l’aise par rapport au discours que la psychanalyse véhicule, en affirmant de manière péremptoire que le patient doit payer, en posant la nécessité de payer comme une nécessité inhérente à la possibilité même de la cure analytique. Au prétexte que dans notre société tout se paye, la psychanalyse peut être assimilée à un travail de spécialiste, inutile de s’en offusquer, cela peut être juste, mais seulement par moments, à condition toutefois que l’asile ait d’abord été offert. Préalable absolu ; ceci qui n’exclut pas le fait que certains patients essayent de tirer sur cette corde pour manifester leur hostilité ou des récriminations qui ne sont pas seulement d’argent. Cela est banal, mais est loin d’épuiser la question3 . Prétendre qu’il faut payer d’emblée et qu’il n’y a d’analyse que s’il y a paiement, prétendre qu’à défaut il y aurait trop de jouissance par exemple, est une absurdité. Recevoir de l’argent n’a jamais empêché l’analyste de jouir de l’analysant ni de se payer sur la bête.
Il est courant d’entendre dire que si le patient ne paie pas en argent, alors tôt ou tard, il risquerait de payer dans son corps. Grossièrement résumé : « Si vous ne payez pas en espèces, si vous me demandez de vous recevoir par amour ou compassion ou pire par conviction, alors vous allez tomber malade ! D’ailleurs regardez ce qui est arrivé à ce pauvre Homme aux loups. » Pour beaucoup d’analystes, cela représente une évidence. Sans parler de l’invocation du terrible péril que le patient risque de rater de ce fait l’accès à la « castration symbolique ». Les bêtises s’accumulent. Tout ce fatras est là pour éviter de lui dire : « J’ai besoin de ton argent pour vivre, et bien vivre de préférence ». Ce fatras ne vient pas de Freud qui, à côté de l’Homme aux loups, avait toujours gardé un certain nombre de séances disponibles pour des analyses gratuites. On ressasse le cas de l’Homme aux loups pour dire le danger qu’entraînerait le non-paiement, et l’on omet de dire qu’il n’est bon pour personne de devenir cobaye d’une communauté de « savants ». Ce n’est ni la seule analyse que Freud avait « ratée », ni la seule qui est devenue interminable. On s’interroge moins sur les méfaits qu’engendre l’utilisation d’un sujet réduit à un « cas » pour démontrer une théorie. Comme si l’argent pouvait garantir un « moins de jouir » et prémunir contre les abus de pouvoir de l’un sur l’autre. Restent alors les asiles, les vrais. Pour les pauvres et les plus fous. Alors les spécialistes peuvent enfin s’y retrouver !
L’argent est nécessaire pour faire marcher la machine, d’où qu’il provienne, que ce soit la machine collective ou la machine personnelle de l’analyste. On paye toujours le fonctionnement de la machine, on ne monnaie pas la rencontre, la singularité, l’asile, l’aller au-devant de l’étrange et de l’étranger, pas plus que n’est impliqué le paiement dans l’émergence des formations de l’inconscient. C’est l’ensemble des patients qui payent ma machine; pris un par un, chacun pourrait ne pas payer, sauf quelques rares exceptions qui poseraient les mêmes problèmes dans les institutions dites gratuites. Les cures marcheraient aussi bien, ou aussi mal, s’il n’y avait le discours ambiant sur la nécessité « éthique » de payer… S’il n’y avait le « nous » des analystes en surplomb de nos affaires, un par un. S’il n’y avait la nécessité d’en vivre. S’y ajoutent inutilement les faire-valoir narcissiques des réussites professionnelles. L’autochtone n’avoue pas ses besoins, n’avoue pas sa dépendance. Il avance masqué, il déguise ses besoins, ses désirs, en manigances théoriques ou, pire, éthiques.

ANTIPATHIE — XÉNOPHOBIE

Il est possible qu’il y ait dans les cures, bien plus souvent qu’on ne le pense, des rapports d’antipathies non analysés. Antipathie envers l’autre, le vraiment différent, celui qui dérange, qui ne peut, ni ne doit, appartenir à un « nous » imaginaire : chaufferette des narcissismes, des convictions intimes et des idéaux de confort. Idéaux déguisés en concepts, voire en éthique d’une discipline.
Si telle est la posture de départ, posture qui fait tenir l’analyste à sa place, alors il est évident que tout manquement à cet ordre établi devient immédiatement suspect.
L’antipathie dont j’ai fait ici le récit n’était-elle pas une figure possible de la xénophobie ordinaire dans la rencontre singulière d’une cure ? Il importe peu de rappeler ici que si la « xénophobe » patente avait bel et bien été ma patiente, la dame au chien, mon intolérance face à elle ne faisait que refléter l’image même de la sienne face à ses propres étrangers, exception faite d’une bête poilue à quatre pattes.
On ne naît pas xénophobe, on le devient. A l’origine de la vie, l’identification à l’espèce (humaine) prime sur toute autre identification4 . Le premier miroir du nourrisson est le visage humain, sans distinction de race, de sexe ou d’âge. Ce qu’on appelle « mère » est le premier humain qui prend soin de l’enfant avec assiduité et constance. Le plus souvent, la mère biologique occupe cette place. Je ne sous-estime pas les problèmes qui peuvent surgir à l’occasion d’une séparation précoce, d’un changement de « mère ». L’humanisation du petit d’homme est d’abord affaire d’environnement humain. A défaut, l’enfant s’identifie aussi à l’animal. Aucun enfant ne peut avoir un développement normal sans l’asile d’une psyché première et d’une image humaine qui s’offre à l’interpréter et à l’accueillir. Il ne suffit pas qu’il entende parler, bien que ce soit le minimum exigible pour son devenir. Cela donne lieu à ce que les analystes appellent une relation d’objet. De cette relation naît ce qui est constitutif de tout humain : l’angoisse de la perte. L’angoisse est différente de la peur. L’angoisse naît des premières séparations indispensables à la constitution du « je » et du « tu ». L’intégration du « nous » est plus tardive dans notre culture, moment de la socialisation du petit d’homme. L’espace où il peut mouvoir son corps s’élargit et s’étend d’un autre qui le porte, aux autres qu’il connaît. Il nomme et sépare ce qui est familier du reste du monde. Ainsi l’inconnu, qu’aucune représentation ne naturalise, comme tous ceux qu’il ne peut nommer, iront se loger dans un ailleurs de la langue, cependant que cet ailleurs sera de préférence connoté d’affects d’antipathie. Il perdure en lui du non-séparé, qui n’est pris dans aucune représentation, dans aucun réseau langagier. Ce reste d’imagos, cet objet-pulsion non identifié, ne tombe pas nécessairement sous un refoulement définitif : il est toujours présent, en réserve d’être figuré. L’étranger est alors la figure idéale pour fixer cet objet de l’étrange. L’étrange ne porte aucun nom, il se soustrait aux discriminants langagiers. Qu’il surgisse à l’improviste sous l’image du double halluciné ou qu’il soit projeté sur l’inconnu effrayant, il est d’abord objet non identifié.

L’étranger peut alors devenir la métaphore spatiale et objectivée d’une distance temporelle subjective. Ce qui vient d’un autrefois se projette sur un représentant de l’ailleurs.
L’objet nouveau (l’étranger) qui surgit, ne surgit pas seulement de l’espace, il surgit du temps. L’ « autrefois » s’actualise, se configure, dans le représentant d’un « ailleurs ». Rabattement de l’axe du temps sur l’axe de l’espace. Parce que nous n’avons aucun pouvoir sur le temps, nous ne pouvons que nous en prendre aux représentations spatiales. Le temps s’écoule hors de notre atteinte. Tout ce qui dépend du temps est ainsi particulièrement angoissant (l’attente par exemple). Nous ne pouvons que subir et revivre nos impuissances premières. Alors nous transformons cette impuissance sur le temps en désir de pouvoir sur les corps. Nos peurs d’antan deviennent désir d’emprise sur les corps. Le corps de l’étranger est alors le plus exposé aux désirs de maîtrise.
Le xénophobe cherche toujours à isoler, à stigmatiser les différences physiques de l’étranger afin de le repérer, le garder à vue et plus facilement surveiller son espace. A force de stigmatiser les différences de « race », il parvient à nier les différences singulières, la présence réelle et unique de chacun.
Il existe pourtant une xénophobie ordinaire. La peur ou le rejet discret de ce qui dérange l’ordinaire des jours du « chez nous » et vient réveiller des fantasmes de peurs anciennes. Il n’est pas de xénophobie qui n’implique un possible surgissement de l’étrange à partir de l’étranger.
La xénophobie comme peur primitive de l’étranger est ancienne. Elle n’est pas innée, mais constitutive des formations narcissiques, puis des assignations langagières et culturelles. Chacun, et chaque groupe, a une figuration possible de l’étranger qu’il redoute le plus. Par ailleurs, elle n’est pas exempte de fascination, que je laisse de côté pour l’instant.
En temps de crise sociale ou politique, cette xénophobie ordinaire, constitutive des sentiments qui cimentent les groupes, cède le pas à la xénophobie virulente. Quand l’autochtone entre en crise, il recourt au discours d’exécration pour faire front et barrage, pour se débarrasser de l’étranger qu’il disqualifie comme humain semblable. Cela peut aller jusqu’à vouloir lui faire la peau… Il méconnaît l’origine de son rejet, sa très vieille peur :
Cette peur et le rejet qu’elle engendre, quand elle rencontre un discours qui l’objective, peuvent devenir racisme manifeste et xénophobie active.
On le sait : le racisme surgit en temps de crise sociale et économique. Les projets individuels deviennent précaires, voire inimaginables. Or, en l’absence de création, le projet est la seule parade qui vient imaginairement faire horizon pour s’intercaler entre le présent et la peur du lendemain quand ce n’est la mort certaine. La faculté de se projeter en avant du moment présent est la vie même. Pour qu’il y ait xénophobie dure, racisme, désir d’éradication de l’étranger, qui dépassent les antipathies ou les préjugés personnels, un discours est nécessaire. Seul un discours peut prendre on masse les peurs des uns et des autres avec la haine qui leur est consécutive tout en leur prêtant une apparente rationalité. Le discours d’exécration s’insère à la place où défaillent les projets de vie qui font lien entre le singulier et le social. Le « nous » qui englobe les racistes autochtones ne fait face à aucun « vous ». Il y a seulement « eux » ou « ils ». A partir du moment où apparaît le « vous » il y a déjà interlocution possible, pourparlers de paix et donc ébauche d’une reconnaissance.
L’étranger n’est évidemment pas indemne de cette peur du lendemain. Même si l’étranger n’aime pas nécessairement l’autochtone, et de fait il ne l’aime que rarement, celui-ci représente son espoir. L’autochtone est le détenteur de l’avenir de l’étranger, c’est pourquoi il n’y a pas de symétrie. C’est toujours l’autochtone qui crise face à la crise. Crise de sa propre identité. Son malaise ne se dit pas en clair, il use des corps excédants, il cherche à désigner le dissemblable pour montrer ce qu’il ne peut se dire que lui-même est l’excédent dont sa propre société n’a que faire. La xénophobie virulente est manifestation de la crise, épilepsie collective de la pensée.
La crise est la réponse à ce qui arrive d’un dedans méconnu qui se somatise dans l’autre corps, corps à expulser, corps-étranger, désigné comme l’excédant. Expulser l’autre, l’exclure, maîtriser ses mouvements et surveiller ses séjours, fait pièce à l’impossible pensée d’un avenir mais aussi du passé.

LES ÉTRANGERS AUTOCHTONES

A cet égard, on ne peut que déplorer l’imbécillité des politiques d’avoir emblématisé le terme « d’exclu » pour les étrangers du dedans, les « sans » emploi, les « sans » logement, mais aussi les jeunes des banlieues. Exclus de quoi, si ce n’est des intelligences défaillantes ? En effet, quel discours peut rendre intelligible sans le dénaturer le plan du sensible ?
On voit aujourd’hui les « exclus », les étrangers du dedans inventer d ‘autres liens, souvent dans un rapport en miroir méconnu avec le racisme ambiant, sans polémique affichée ni engagements politiques patents.
La encore, des particularités du corps sont rendues trop visibles, portant les emblèmes de « l’autre race ». Entre eux existe un lien sensible, un désir de tribu, asile invisible d’une communauté virtuelle.
Ainsi, par exemple, les tatouages et les piercings font signe de reconnaissance entre les jeunes quand vient à manquer la beauté des projets, la vie projetée. De tout temps, les jeunes ont eu des codes de reconnaissance. En cela, rien de nouveau aujourd’hui, à ceci près que la récupération par les médias se fait plus vite. De superbes mannequins empruntent aux tristes citées leurs emblèmes les plus récents. Il n’y a pas si longtemps encore, il y a eu les hippies, vite copiés par les maisons de couture. Dans leur cas, il y avait un discours appelant à d’autres modes de vie, étayé par des idéaux que l’on croyait possibles. Ce qui m’apparaît nouveau aujourd’hui est le fait que ce soit la chair même qui porte les stigmates pour faire lien et reconnaissance réciproque. Jadis, dans les classes dites populaires, on perçait les oreilles des petites filles, c’était signe de féminité. Les roms se percent une oreille. Les pierres incrustées se voient en Inde. Importations de l’ailleurs et de l’autrefois, désir de faire tribu. Tribu dispersée avant d’avoir été. Aucun discours politique ne légitime ces choix. Cette démarche « spontanée » tend cependant à dire quelque chose, à dire l’existence d’un groupe qui ne se donne pas à voir comme tel malgré des rassemblements éphémères. Le marquage des corps me paraît aller au-delà, raconter autre chose, que les habituels modes et signes de reconnaissance des « jeunes5» .
Un autre signe également frappant est la présence des chiens. Ces mêmes jeunes, mais aussi de moins jeunes, « exclus » de la société de production, ont des compagnons dans leur errance, leurs chiens, auxquels ils prodiguent des soins attendrissants. Les chiens ne sont plus emblèmes des possédants, des chasseurs, des bourgeois ou des paysans, pas plus qu’ils ne sont assimilables aux petits chiens qui tiennent compagnie aux vieilles dames. Ils sont l’unique propriété, l’unique richesse de leurs maîtres. Là encore, cela se passe de paroles, cela se voit. Propriétés ambulantes, élargissant par leur seule présence le territoire de vie, territoire nomade de leur maître. Dernier agrippement au sol, devenu mouvant, dernier rappel d’une filiation possible. Sont-ils l’enfant, sont-ils le compagnon ou la mise en évidence de la vie nue ? En tout cas, ils sont quelqu’un à aimer, quelqu’un qui est hors langue. Ce sont souvent de gros chiens, méchants, dit-on. Ils sont signe que l’agressivité est aux alentours… D’abord celle que leurs maîtres subissent de la société et signe qu’en retour eux aussi pourraient devenir « méchants ».

Ne conviendrait-il pas maintenant de se rappeler l’histoire de la petite « dame au chien » ? De sa façon intempestive de me montrer les cicatrices de son corps pour tester jusqu’où je pouvais lui donner asile ? « Est-ce que ça vous dégoûte ? » Non ça ne me dégoûte pas… « C’est par amitié ou par métier ? »
Comme les tatouages et les piercings, les chiens exposent la vie nue, extensions vivantes du corps de leur maître. Corps exclu de l’échange symbolique en cours, et tentative d’une re-symbolisation hors langue dans la recherche d’une autre communauté : communauté rendue visible, sortie de l’imperceptible du pauvre qui depuis toujours se cache. Ainsi l’on peut être pauvre, faire la manche et donner asile à un chien. Car il faut aussi le nourrir. Hyperprésences des corps, en miroir au rêve raciste qui, de l’autre côté, s’escrime à parquer des corps dissemblables. Et d’ailleurs le « projet » raciste ne s’y est pas trompé : comme d’autres étrangers sans papiers, ils sont priés de s’établir loin des regards et des centres des villes. Là où se bâtit le pays dans le pays, la ville dans la ville. Mais cette autre ville est construite sans un vrai vouloir. Les étrangers du dedans, nés dans la crise et la xénophobie ambiante, ne tiennent pas de discours, ne se prévalent d’aucune idéologie manifeste. Le plus souvent jeunes, ils ont tous les âges, tous les sexes. Produits de la crise qui frappe l’autochtone, ils sont mis à la porte, comme les étrangers sans papiers, mais nul charter pour eux, leur charter est la rue. On ne peut leur refuser le permis de séjour car ils n’ont pas de séjour, autochtones sans lieu, sans véritable demeure, même si la plupart possèdent encore un semblant de toit. Autochtones devenus étranges, revendiquant l’étrange par les marques dans la chair, sans même un ailleurs de nostalgie ou de souvenir, sans même une folie répertoriée. Tatouages, piercings, branding et les chiens fidèles : silences des corps Que les possédants s’en emparent pour faire mode est secondaire. Mais que de signes et de douleurs initiatiques, sans parler de la tendresse des bêtes ! Ce sont des irréductibles malgré eux, irréductibles aux discours, qu’ils soient sociaux ou politiques, sans même le recours aux spécialistes des souffrances répertoriées. Est-ce la part visible de la faillite des discours ? ou parce que trop de réel étouffe la possibilité d’y chercher un recours, ou encore est-ce la méfiance devant les discours anciens qui ont tant promis et si peu tenu ? Des corps qui s’exhibent comme dissemblables jusque dans leur chair, qui semblent être en trop dans la société dont ils sont issus, corps dont ils font usage pour montrer, comme dans un miroir sans tain, une psyché silencieuse à l’œuvre dans un désir de tribu.
D’un côté, les xénophobes avérés et, de l’autre, les tribus. Entre les deux, les spécialistes glosent sur les acteurs de la crise… Ah, la belle expression ! Les acteurs sont dans la rue, tandis que leurs paroles non proférées creusent les écarts sur Internet, exposés avec élégance par d’autres spécialistes.
Faites passer le chapeau avec les menues pièces pour nourrir la bête et se séduire comme on peut !